Dictée ELA 2024
Un message de Jean-Baptiste Andrea tiré de “Les deux mondes”
La dictée organisée chaque année par l’association ELA (Association Européenne contre les Leucodystrophies) est bien plus qu’un simple exercice d’écriture pour des milliers d’élèves en France et ailleurs.
Il s’agit d’une mobilisation nationale visant à sensibiliser à une cause profondément humaine : le combat contre les leucodystrophies, ces maladies génétiques rares qui touchent le système nerveux central.
Dans le cadre du lancement de la campagne “Mets tes baskets et bats la maladie”, les élèves du CM1 à la 3ème ont participé à la dictée ELA. Deux joueurs du Club Rugby Nîmois sont venus lire la dictée ELA aux élèves, apportant leur soutien à la cause des leucodystrophies.
La dictée est tirée du texte de Jean-Baptiste Andrea, “Les deux mondes”. Ce texte, à la fois touchant et poétique, nous invite à réfléchir à la notion d’existence, de souffrance, et de résilience.
Depuis quelques temps Noa fait un rêve étrange. Dans ce rêve il y a des montagnes. Entre les montagnes, des arbres qui donnent des fruits au goût de réglisse. Il y a des maisons rondes dont les portes sont toujours ouvertes. Il y a une clairière qu’elle aime par-dessus tout pour les fleurs qui y poussent. Chaque nuit Noa fait le même rêve. Elle court entre les montagnes, ses baskets préférées aux pieds, cette vieille paire qu’elle n’a pas chaussée depuis longtemps.
Dans le rêve, il n’y a d’abord personne. Pourtant, Noa sait qu’elle n’est pas seule. Elle le voit aux fourrés qui bougent dès qu’elle débouche dans une clairière. Elle le voit aux ombres qui glissent sur l’herbe ou aux rides sur l’eau d’une mare. Quelqu’un la précède et disparaît dès qu’elle arrive.
Noa a appris la patience, alors elle attend. Mais la patience a des limites, la vôtre, la mienne, et surtout celle de Noa. Elle sent que ceux qui se cachent ne lui veulent pas de mal. La présence veut la protéger. Alors elle s’approche du bord d’une falaise et saute dans le vide. Elle sait que rien ne pourra lui arriver. Et voyez: aussitôt, un aigle apparaît, la rattrape et la dépose au milieu de sa clairière préférée.
– C’est donc toi qui m’espionnes depuis le début? dit-elle à l’aigle.
L’aigle rougit (ce n’est pas facile à voir, chez un aigle, mais je vous assure qu’ils rougissent facilement). Des fourrés sortent d’autres créatures, des enfants, des adultes, une girafe, un clown et un éléphant.
– C’est nous qui t’espionnons, dit l’éléphant. Nous ne savions pas qui tu étais quand tu es arrivée. Vois-tu, dans le monde des yeux ouverts, l’autre, nous sommes tous vieux ou malades ou blessés. Ici nous redevenons ce que nous sommes vraiment. Mais tous ne trouvent pas, comme tu l’as fait, le chemin de notre pays.
– Quel monde est le vrai ? demande Noa. Moi aussi, je suis malade dans l’autre.
– Les deux sont vrais, dit l’éléphant. Il est important que tu t’en souviennes.
– Je ne vous crois pas, dit Noa. Je crois que je rêve.
– C’est toujours comme ça, au début. Tu reviendras. Ceux qui trouvent le chemin ne l’oublient pas.
Noa est gentiment réveillée par sa mère. Aujourd’hui, elle a examen à l’hôpital. On la glisse dans la grande machine qu’elle déteste. Quand les médecins reviennent avec les images de son cerveau, ils ont l’air perplexe. Ils vont devoir refaire l’examen, suite à un problème technique: de grosses taches sur les photos, empêchent d’analyser les images. Et pour l’amuser un peu, ils lui montrent ces taches.
– Regarde, c’est amusant. En regardant bien, celle-ci a une forme de girafe, celle-ci d’oiseau. Et cette tache, là, dans le coin, on dirait vraiment un éléphant, tu ne trouves pas ?
Jean-Baptiste Andrea – “Les deux mondes”